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Scènes
Si elle se pratique nu comme un verre avec des Nike blanches aux pieds, la danse de Wallace Ferreira et Davi Pontes n’en est pas moins une pratique d’auto-défense. Dans le troisième et dernier opus de leur cycle Repertório, le duo continue de représenter les expériences des corps queer et racisés et perfectionne sa méthode : une mise en scène d’une simplicité pure, un mouvement ultra sharp d’une rigueur infaillible.
Dernière sensation en date sur la scène européenne, Carolina Bianchi étrille la domination masculine dans le second volet de sa trilogie consacrée aux représentations de la violence. Une conférence performée XXL, drôle et très cadrée, dans laquelle la dramaturge affirme son art théâtral : maltraiter la scène pour l’aimer plus encore.
Arts
Que peut-on communiquer lorsqu’on ne maîtrise pas le même système de signes ? C’est la question que pose la fiction vidéo de Laura Sellies dans laquelle la chanteuse suédoise Isabel Sörling et la comédienne sourde Carine Morel, inventent un langage d’un nouveau genre.
De quoi sont faits nos imaginaires ? Angelin Preljocaj mêle le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux aux danseur·euses de sa propre compagnie dans une suite de tableaux faisant dialoguer mythes antiques et rituels contemporains. Les costumes de la créatrice de mode Adeline André et la musique symphonique composée par l’ex-Daft Punk Thomas Bangalter achèvent de donner vie à la féérie. Une création grand format qui n’a de cesse de chercher ce qui, dans nos cultures, crée du commun.
Trois temps : un court, un long et un court. Le rythme de la sarabande est reconnaissable entre mille. En partant de cette danse qui a marqué le baroque européen, Laura Simi et Erika Zueneli retracent l’histoire contemporaine de la discipline. Les deux chorégraphes italiennes en tirent une fresque décalée sur leur rapport au corps et à l’époque.
Raconter le vertige de l’exil dans un food show rythmé par des vidéos hyperpop ? Et pourquoi pas ? Le Sud-Coréen Jaha Koo, connu pour ses spectacles multimédia, nous cuisine avec tendresse entre kimchi et nostalgie, humour et soupe aux algues.
Peut-on vraiment figer ce qui coule ? Inverser les flux et les pôles ? Au Centre Wallonie-Bruxelles, le nouvel opus de Symbiosium fait chavirer nos repères et brouille les frontières entre science et mythes, surface et monde profond. L’eau ne reflète plus personne : elle absorbe.
Peut-on encore être insouciant en 2025 ? Dans une époque traversée par de grandes inquiétudes quant à l’avenir, le musée de l’Hospice Comtesse propose une exposition sur le thème de la fête : The Distorted Party, entre joie et angoisse, sur fond de bad trip.
Société
Fin juin, l’Assemblée nationale rendra son verdict sur une proposition de loi qui vise à garantir aux artistes-auteur·ices une continuité de revenus. Exclu·es du régime de l’intermittence, ces professionnel·les restent particulièrement exposé·es à la précarité. Iels demandent un salaire minimum, des congés payés et l’accès aux allocations chômage. Pour porter cette revendication, de nombreux travailleur·ses de l’art, soutenu·es par des associations et syndicats, signent une tribune.
L’océan est malade. C’est indéniable mais peu palpable pour les êtres terrestres que nous sommes. L’exposition collective Becoming ocean nous immerge dans ces mondes aquatiques menacés pour en prendre le pouls et instaurer un « dialogue social » avec la vie non humaine. Une aventure désanthropocentrée qui mène à des interconnexions inattendues.
Entre thérapie de couple et pamphlet sur la famille nucléaire, Rébecca Chaillon revient avec La Gouineraie. Tout en désordre, la metteuse en scène star et sa compagne racontent leur emménagement commun à la campagne. Tout le monde en prend pour son grade : les polyamoureux comme les adeptes de l’exclusivité, les modèles alternatifs comme les plus normatifs.
G7 ou Jet set ? Christophe Marthaler réunit des puissants, anonymes et burlesques, lors d’un Sommet où rien ne va. Dans une ambiance de chalet alpin, les lois de l’absurde chères au metteur en scène suisse-allemand mettent à nu la vacuité et l’isolement des « grands de ce monde ».
Huppert, Castellucci et Racine sont sur un bateau. Qui tombe à l’eau ? Les trois bien sûr, et avec joie. Entreprise inégale mais fertile, Bérénice met les curseurs du théâtre dans le rouge et exerce la tragédie sur nos sens, loin du texte, en tension entre le beau et le ridicule.
La nouvelle exposition de la Ferme du Buisson, imaginée sous le signe de l’hantologie, ratisse large, un peu trop large. Une ligne de crête se dessine pourtant : les fantômes générés par l’exil et l’identité diasporique.
« Compétitivité », « croissance », « modernisation » : derrière la sainte Trinité du Medef, il y a des existences indexées sur leur « productivité » et leur « coût ». Avec son cycle ManutenSions, la commissaire d’exposition Élise Girardot invite des artistes à faire résonner les gestes des travailleur.ses dans le ventre de l’arc, scène nationale du Creusot, sans misérabilisme ni appropriation. Le second volet se fait l’écho des révoltes latentes, de l’usine au trottoir en passant par l’open space.
La chorégraphe Sharon Eyal est l’invitée de SYMBIOSIS — nouveau temps fort performatif du Palais de Tokyo. Après avoir ouvert les répétitions au public en janvier dernier, l’artiste et sa compagnie déploieront une chorégraphie inédite dans la Grande Rotonde du 12 au 22 juin, accompagnée d’une programmation musicale. Tout cela avant un autre rendez-vous dansé prévu en novembre : la nouvelle mouture de la pièce hypnotique Into the Hairy.
La chorégraphe viennoise est la popstar du spectacle vivant germanophone. Sa formule : cirque hardcore, scénos XXL et métaphores cash. Dans le public, on s’évanouit, on se relève et on y retourne. Partout où Florentina Holzinger passe, c’est Las Vegas – la profondeur est dans le maximalisme. Et qu’on ne lui parle plus de frontière entre art et divertissement. Mouvement a rencontré l'artiste dans sa ville natale, au printemps 2024.
Pour faire de l'art, Laurent Tixador amalgame désirs et souvenirs de voyage avec son dégoût pour la société de consommation. Dans la pensée du plasticien, rien de pire que l'humain qui oublie son savoir-faire manuel. À l’occasion du Voyage à Nantes, l’artiste qui incarne le mieux le do-it-yourself érige une sculpture en bois de récupération : un bout de nature dans une grande ville.
Désobéissance financière, mariage blanc, déchéance de nationalité : depuis 15 ans, Núria Güell joue avec les vides juridiques et les structures de l’autorité. Peu concernée par les affaires du monde de l'art, la performeuse catalane conçoit ses interventions comme des arguments politiques mais les active avant tout pour elle-même, à mille lieux des professions de foi sociale du jour. La galerie parisienne Salle Principale présente ses derniers travaux jusqu'au 17 mai.
LE GRAND COMING OUT
Louvoyer au travail, c’est vieux comme le monde. Depuis la fin du XIXe siècle, c’est une tactique de lutte théorisée par le syndicaliste révolutionnaire Émile Pouget. Rapidement étouffé par la répression policière, le sabotage réapparaît dans les mouvements écologistes radicaux des années 1970. Tentative d’archéologie d’un mode d’action aussi prisé des ouvriers que des patrons.
Jeu vidéo, collage, film : comment contrer l’effritement du vrai par les outils de l’art ? À la collection KADIST, l’exposition collective Rien que la vérité joue la carte des « fictions vraies ». Ou comment passer par la production de récit pour se rapprocher du réel.
En français, on a pris l’habitude d’appeler improprement dièze le symbole précédant les hashtags, ces trend-topics qui alimentent le débat médiatique. Mais on a aussi importé du nouchi, l’argot d’Abidjan, le mot djèze, qui se prononce pareil et qui veut dire affaire. À mi-chemin entre le bruit du monde et les mots des gens, cette chronique trace sa route dans ce qui nous occupe.
Les maîtres de la couleur le savent bien : pour réfléchir la lumière, rien ne vaut l’obscurité. En peintres du mouvement, le circassien Martin Palisse et le metteur en scène David Gauchard dirigent les 6 étudiant·es de la promo sortante du CNAC dans une pièce surgie du néant et résolument tournée vers l’espoir. Se laisser abattre ? Plutôt crever.
IMMERSION DYSTOPIQUE EN CISJORDANIE OCCUPÉE
portfolio
Miliciens, mercenaires, révolutionnaires ? Emmitouflées dans des cagoules colorées faites de tissus hétéroclites, cachées derrière des lunettes noires, ces silhouettes anonymes sont les « fantômes » et les « gisants » qui hantent Dubaï. Après avoir portraitisé cette capitale hyperbolique – l’ultracapitalisme fait ville –, Philippe Chancel en saisit la face obscure : les centaines de milliers de travailleurs immigrés qui la construisent – des Pakistanais et des Indiens du Kerala pour la plupart. Une masse d’esclaves à l’organisation militaire qui n’ont ni droits, ni existence administrative.
QUI EST LE GIBIER DE QUI ?
Un studio photo, une odeur de basilic, une fausse conférence : il n’en faut pas plus à l’artiste brésilienne Gabriela Carneiro da Cunha pour appeler à l’insurrection contre le saccage des rivières de son pays. Fruit d’un engagement de plus de dix ans, Tapajós clôt un cycle d’une grande intelligence politique sur la mise en danger du vivant.
Comment parler du chaos dans la nature sans catastrophisme ? Pour le savoir, rendez-vous au MAIF Social Club où douze jeunes artistes se frayent un passage dans les décombres pour tenter d’anticiper les chocs qui nous guettent.
Mercedes Dassy a entamé la création de Spongebabe in LA alors qu’elle était enceinte, et l’a achevée à la sortie d’un post-partum carabiné. Empruntant le chemin de l’intime, la performeuse interroge le statut de mère-artiste dans un monde qui s'effondre.
Une géométrie hypnotique, des couleurs fortes : Barbro Östlihn vivait la ville comme une hallucination. L’Institut suédois accueille la première rétrospective en France consacrée à cette peintre qui a partagé sa vie entre Stockholm, New York et Paris.
Les Anglais ont le bell end, en France on a le connard. Avec humour et un certain talent de ventriloquie, Mathilde Invernon et Arianna Camilli tournent cette figure patriarcale ancestrale en bouffon carnavalesque dans une performance acerbe.
Des kilomètres de tissus qui s’agitent sur de l’électro : le monumental, Miet Warlop sait faire. Avec Inhale Delirium Exhale, la plasticienne et metteuse en scène belge continue d’en mettre plein la vue, au risque de perdre son public.
Les catastrophes climatiques successives posent la question : peut-on réellement habiter une nature de facto indomptable ? Aux antipodes du white cube, l’exposition de Toma Dutter dans le cabinet d’arts graphiques du musée de Sérignan, imagine une cabane-paysage où s'effondrent les « évidences de la modernité ».
Conte intimiste, essai philosophique parlé ou stand-up sans punchline ? Niagara 3000 ne tient qu’à une seule parole, celle de Pamina de Coulon, qui en fait une arme militante et son spectacle entier. Au fil des mots, elle construit, déconstruit – ses réflexions, les nôtres avec – et joue avec les limites de la performance. Une scène, un flot de parole, mille possibilités.
LES VALLÉES QUI SOULÈVENT DES MONTAGNES